Mobilisation d’« humanistes » aujourd’hui pour l’application de la Constitution
(PDF version) SIT-IN
Parmi les projets du mouvement, une liste de 128 candidats aux prochaines législatives.
Claude Assaf, 30/08/2016
e soir à 18h, professeurs d'université, sociologues, journalistes, et autres professionnels faisant partie du groupe « Liban humaniste », créé le 3 août, vont se rassembler devant l'immeuble an-Nahar, dans le centre-ville, armés... d'une copie de la Constitution libanaise. Ils entendent ainsi presser les députés à élire un président de la République selon les normes du texte fondamental et comptent en outre leur adresser une pétition comportant leurs doléances sur ce plan.
Invitant à les rejoindre tous ceux qui se sentent saturés par les abus des responsables au niveau de l'échéance présidentielle, Saoud el-Mawla, docteur en sociologie, Antoine Courban, professeur à l'Université Saint-Joseph, et Sélim Mouzannar, joaillier et activiste, tous acteurs du mouvement induit par l'avocat Chibli Mallat, indiquent à L'Orient-Le Jour que cette initiative est née d' « un sentiment d'exaspération généré par le blocage des institutions qui persiste depuis mai 2014 » et parlent d'« un ras-le-bol provoqué par l'inconscience des responsables qui bafouent ainsi la Constitution », M. el-Mawla cite d'emblée l'article 74 de la Constitution : « En cas de vacance de la présidence par décès, démission ou pour toute autre cause, l'Assemblée se réunit immédiatement et de plein droit pour élire un nouveau président de la République. » Il ajoute que l'article 75 du même texte est tout aussi explicite : « La Chambre réunie pour élire un nouveau président de la République constitue un collège électoral et non une assemblée délibérante. » « La Constitution ne laisse donc entrevoir la possibilité d'aucune discussion », estime-t-il, soulignant que « ces clauses doivent être respectées sans débats préalables ».
Le même avis est exprimé par M. Courban, qui affirme que « les textes constitutionnels sont obligatoires et non sujets à interprétation », soulignant que « leur respect est impératif pour garantir l'État de droit ». Le professeur d'université dénonce dans ce cadre les députés « qui, payés pour appliquer la Constitution, la bloquent au contraire en vue de satisfaire leurs visées politiques ».
M. Mouzannar parle quant à lui d'« interprétations ubuesques auxquelles se livrent les membres du Parlement », accusant ceux-ci d'« abreuver de mensonges la population, au point que nombre de personnes pensent désormais à tort que pour élire un chef de l'État, le quorum légal requis est celui des 2/3 des députés ».
Or, font valoir à l'unanimité ces « humanistes », le texte suprême n'exige le quorum des deux tiers (86 des 128 députés) que pour le seul premier tour du scrutin, estimant que « la majorité absolue, c'est-à-dire la moitié+1(65 députés), est suffisante lors des tours suivants ».
Les activistes déplorent dans ce cadre l'usage aberrant dont font les députés du texte supralégislatif, alors qu'« aucune Constitution au monde ne permet aux membres du Parlement de se dérober pendant aussi longtemps (plus de 2 ans) à leurs responsabilités ».
Le dialogue, oui, mais au Parlement
Les initiateurs du sit-in prévu ce soir réfutent par ailleurs l'idée d'une table du dialogue pour établir un accord politique sur un seul candidat à la présidence de la République. « La table du dialogue n'est évoquée dans aucun article de la Constitution », affirme M. el-Mawla, soulignant que « la plate-forme naturelle des discussions se trouve dans l'enceinte du Parlement ».
Allant plus loin, M. Courban fait valoir que la table du dialogue n'est autre qu' « un stratagème monté par les responsables pour se détourner des exigences et des procédures constitutionnelles ».
M. Mouzannar pense pour sa part que ces mêmes responsables « commettent un rapt de la volonté des citoyens », les accusant d'« immaturité ». « Leur attitude, qui s'articule sur des rapports de forces, risque de déborder et de générer des violences », redoute-t-il, « alors que les Libanais aspirent à vivre dans la paix, la stabilité et la prospérité ».
Une liste de 128 candidats
Ce désir populaire de sécurité à tous les niveaux de la vie quotidienne est d'ailleurs le point de départ de la création du groupe « Liban humaniste ». « Nous avons décidé de sensibiliser l'opinion publique en la poussant à réclamer haut et fort l'élection d'un chef de l'État, sachant que la stabilité sur le plan social, politique et économique ne peut se réaliser qu'après un déblocage des institutions », indique M. el-Mawla. Il révèle dans ce cadre que la prochaine étape du mouvement sera de préparer et proposer des listes de candidats dans toutes les régions du Liban pour briguer les 128 sièges du Parlement lors des prochaines élections législatives.
« La société civile ayant eu un acquis remarquable lors des dernières élections municipales, nous allons rassembler ses forces pour tenter de réaliser des performances lors des prochaines échéances électorales », promet le sociologue, qui a rencontré ces derniers jours, avec Chibli Mallat et Antoine Courban notamment, le ministre démissionnaire Achraf Rifi et l'ancien président du conseil municipal de Baalbeck, Ghaleb Yaghi. Lui-même originaire de Baalbeck, Saoud el-Mawla, proche de feu l'imam Mohammad Mahdi Chamseddine, rappelle que la liste Baalbeck Madinati avait emporté près de 47 % des voix des votants en mai dernier et indique que « dès samedi, des réunions se tiendront dans la localité pour mobiliser les personnes compétentes et les pousser à se porter candidates dans le cadre d'élections préliminaires ».
« D'autres rencontres et rassemblements se produiront également à Beyrouth, au Mont-Liban, dans la Békaa, au Sud et à Tripoli, note-t-il encore, dans une tentative de remplacer la classe politique par une classe citoyenne et responsable. »
Un projet laborieux et ambitieux certes, mais qui aurait des chances de se réaliser d'ici à mai 2017 ? « Il sera fin prêt dès la fin de cette année », croit fermement M. el-Mawla, sur une note optimiste.